Un nouvel an atypique au cœur du Sri Lanka !

Alors que cela fait 10 jours que je travaille à Dambulla, le nouvel an bouddhiste approche et Anthony, le manager de l’auberge, m’invite à célébrer cet événement chez lui, avec sa famille ! Une expérience incroyable que je n’aurais pu imaginer avoir la chance de vivre un jour …

Invitée pour le nouvel an !!!!!

Le nouvel an bouddhiste a lieu aux alentours du 10 Avril. Cette année, ce sera le 14. Alors, le 11 quand Anthony me dit “ça te va si on part demain et on revient dans 3 jours ?” Je dis oui sans me poser aucune question! Un peu avant de partir, je demande si je dois prévoir d’amener quelque chose, il me dit que non. Il ajoute “il n’y a pas de douche dans notre maison, ça ne te dérange pas si on doit aller à la rivière ? Et les toilettes sont dans le jardin” toujours aucun souci pour moi !

Plus tard maman me demande “C’est quoi le nom du village ? C’est où ?” aucune idée… je n’ai absolument rien demandé ! Je fais confiance à Anthony les yeux fermés ! On est bien loin de mes aprioris des premiers jours !!

Le 12, on se met en route avec Anthony : nos deux backpacks + nous deux sur un scoot ! On est bien chargés ! Je finis par demander “il faut combien de temps pour y aller ?” “1h30” Outch, avec le sac sur le dos ça va être long… Au final, on discute et je suis époustouflée par les paysages ! On traverse des plantations de cocotiers, de bananiers, plein de petits villages, des rivières, des rizières … Les Sri Lankais nous regardent bizarrement… Après 1h15 environ, on quitte la route pour s’embarquer sur un petit sentier. Il me dit qu’il reste une dizaine de kilomètres ! La route n’est autre qu’un chemin de terre défoncé ! Je demande combien il y a d’habitants dans le village, à ce stade, j’imagine une dizaine de maisons, pas plus ! Il prend le temps de réfléchir et dit sereinement “2000 familles” je répète “2000 personnes ?” “Non non, familles !

Effectivement, après avoir roulé 15 minutes dans la poussière, un village se dessine, un temple, des petits chemins, un semblant de rond point symbolisé par un tonneau au milieu du carrefour, des petits shops et tout le monde qui nous accueille (bon ils accueillent surtout Anthony!) avec de grands sourires et gestes de la main ! Je peux voir à quel point il est apprécié !

L’histoire d’Anthony

Anthony a 42 ans, il est marié depuis plus de 20 ans avec sa femme, ils n’ont jamais pu avoir d’enfant. Il a travaillé pendant 15 ans pour l’armée Sri Lankaise, il reste très évasif sur le sujet. Mais il faut savoir que la guerre civile n’est terminée que depuis 2009, avant cela, le régime était très instable et il y a eu de nombreux morts. Dans certaines villes on peut encore voir les marques de ce passé récent (voir mon article sur Jaffna prochainement). Ensuite, il a travaillé comme vendeur / couseur de rideaux. Il a fait plein de petits boulots différents avant de décrocher un job à Kandy dans la même chaîne d’auberge où il est toujours. Il a ensuite travaillé à Colombo puis a été promu manager à Dambulla. Il ne rentre que 6 jours par mois dans son village et n’a pas de jour de repos le reste du temps. Il dit que c’est le métier qu’il préfère même si l’éloignement de sa famille et ses amis est dur à gérer. À Dambulla, je l’ai vu appeler sa femme en vidéo tous les jours ! Ils sont très fusionnels, même s’ils ne montrent aucun signe d’affection en public, on peut voir dans leurs yeux tout le respect qu’ils ont l’un pour l’autre. Depuis qu’il travaille dans cette chaîne d’auberge, Anthony a amené 3 personnes ici. 2 filles allemandes et un garçon. Il me dit qu’il a proposé de nombreuses fois à des clients de venir avec lui mais tous ont refusé par peur… Il est bien conscient qu’en tant qu’homme Sri Lankais, il intimide les touristes ! Pourtant, j’ai été tellement bien reçue …

Mon arrivée dans le village !

À peine arrivée chez lui, après 1h30 de route, sa femme m’accueille avec un immense sourire ! Elle ne parle pas très bien anglais mais connaît les bases. Elle les a apprises quand elle travaillait en tant que housemaid en Arabie saoudite ! Elle y est restée deux ans. C’est un bon travail apparemment, même si Anthony m’expliquera qu’il a dû faire intervenir la police Sri Lankaise et la changer plusieurs fois de foyers car elle était battue par certains de ces hôtes … elle me montre ma chambre et je découvre avec plaisir un vrai lit, une fenêtre (= un trou dans le mur) et une porte ! Comme je savais qu’il n’y avait pas de douche, je ne m’attendais pas à “si bien” !

À peine j’ai posé mes sacs, que les voilà tous les deux à s’affairer : ils sont en train de me coudre des rideaux et de fabriquer/réparer un ventilo ! Trop gentils !

Anthony me propose du thé, j’accepte poliment et il me dit : “si tu en veux plus tu me demandes, je sais que tu buvais une bouteille de thé à l’auberge!“. C’est le genre de petites attentions qui fait vraiment plaisir, je ne savais pas du tout qu’il m’avait vue faire mon thé et le mettre au frigo pour siroter toute la journée … et je n’ai jamais eu besoin de demander, il m’en servait tout le temps !
Ensuite, je suis accueillie par tous les voisins ! Ici, tout le monde vit ensemble, pas besoin de toquer (bon en même temps les portes ne sont jamais fermées…) ou de prévenir, les toilettes sont communes à plusieurs maisons, les repas sont partagés … c’est un autre mode de vie !

En parlant de repas, je suis immédiatement initiée à la préparation des kokis chez les voisins. J’ai le droit de les goûter à peine sortis du feu, mmmmh trop bon ! Comme un gâteau apéro salé, super croustillant et pas trop gras (bizarrement !) : j’adooore !

Les enfants, que du bonheur 😍

Les enfants du village arrivent par petits groupes pour observer cette intruse, cette “fille blanche” comme ils m’appellent gentiment en cinghalais !

Certains sont extrêmement timides, presque apeurés de me voir. Première personne étrangère qu’ils rencontrent, des cheveux blonds, des yeux clairs, la peau blanche, ils n’ont jamais connu ça ! C’est absolument incroyable de pouvoir vivre ce moment. Ils se cachent derrière leurs parents, me regardent en cachette et détournent les yeux si j’ai le malheur de croiser leur regard, partent en courant… J’essaye de leur demander leurs prénoms, leurs âges, mais leur anglais est très faible et la timidité n’arrange rien. Un petit bout de deux ans est terrorisé, il pleure quand il me voit, j’ai beau faire tous les sourires du monde rien n’y fait. Ses parents le poussent à aller vers moi, à me faire coucou. Je tente de petites approches mais il a vraiment peur. Après une heure dans la même pièce et diverses tentatives, j’obtiens mes premiers sourires. En partant, j’ai le droit à un high five et un bisou, trop chouuuuu !

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Citou est le fils des voisins, je peux voir qu’il considère Anthony et sa femme comme ses deuxièmes parents, il est vraiment trop mignon et pas du tout intimidé pour le coup ! Je vais passer beaucoup de temps avec lui, à chahuter au cours des trois jours. On fait des dessins sur une feuille et il me dit le nom en cingalais et moi je lui écris en anglais !

 

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Sa sœur est très réservée mais elle fait tout pour que je sois à l’aise. On part ensemble à moto pour acheter des œufs à la petite épicerie du village, quand on revient, elle est toute fière de dire à ses parents qu’elle m’a amenée avec elle. Le soir, elle me tresse les cheveux et me demande de lui faire un dessin au henné sur la main. Enfin, ce qui s’est réellement passé c’est qu’elle est arrivée avec le tube de henné et m’a demandé “ok ?” donc je pensais qu’elle allait ME faire un dessin au henné sur la main, pas l’inverse …

 

 

Le henné !

Vous vous en doutez, je n’ai jamais tatoué personne au henné ! Je ne sais pas si Anthony lui a dit que j’avais fait de la peinture à l’auberge mais elle semble très sûre de mes capacités à dessiner, j’ai peur !!! Je cherche un dessin sur internet et lui laisse le choix du motif. Puis, au stylo, je trace sur la paume de sa main les lignes. Ensuite, je repasse avec le henné ! Plus simple que je ne l’imaginais ! Elle est super contente du résultat, ouf !
Je lui demande de m’en faire un mais elle est trop timide et n’ose pas, j’insiste un peu mais c’est non… tant pis !

Le lendemain, une dizaine de personnes viennent me voir, me montrant leurs mains et me montrant la main de la jeune voisine. Je suis la tatoueuse officielle du village ! Je laisse à chacun le choix du motif sur mon téléphone. Les petits garçons optent pour Spiderman, c’est mignon ! Je suis carrément terrifiée à l’idée de faire les adultes, si je me loupe, c’est la cata ! Alors je m’applique et tout se passe très bien !
Plusieurs d’entre eux me demandent combien ils me doivent, sérieusement, ils veulent payer ?? Ils me reçoivent, me nourrissent, sont adorables avec moi et veulent payer pour un dessin au henné ??! Je suis choquée …

La cuisine, retour aux sources !

Je vous ai parlé des kokis, ces biscuits apéros délicieux ! Et bien, la recette est assez simple : lait de coco, oeufs et épices sont les principaux ingrédients. Pour se faire, on râpe des cocos à l’aide d’outil en bois (sur lesquels on s’assoit) et la lame au bout est crantée afin de râper la chair de la coco ! Une coco ça va, c’est marrant, mais après ça devient physique et fait mal au bras !! C’est marrant de tourner la coco en appuyant très fort dans tous les sens jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de “blanc” dans la noix. Après avoir râpé pendant un moment, des dizaines de coco, on plonge toutes les râpures dans une grande bassine d’eau. Il faut ensuite essorer à la main (poignée par poignée) pour en retirer le lait ! C’est un long processus !

 

Après la préparation de la pâte à kokis, il faut les fabriquer et les cuire un par un à l’aide d’un instrument qui donne la forme aux gâteaux. On trempe cet instrument, ce “moule” dans la pâte et on le plonge immédiatement dans la casserole remplie d’huile bouillante qui chauffe à même le sol sur un feu de bois. Il faudra 4h pour cuire tous les gâteaux ! C’est extrêmement long ! Et qu’est ce qu’il fait chaud à côté du feu, heureusement qu’il fait nuit !

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Ensuite, ils décident de faire un gâteau appelé le dodol pour lequel il faut à nouveau du lait de coco et … de la farine de riz !! Pour obtenir la farine, c’est très simple, il faut mixer le riz, puis à l’aide d’un tamis  ne garder que la poudre la plus fine, re-mixer le reste, re-tamiser, re-mixer … Et voilà, vous avez de la farine de riz !! Facile, non ? Je raconte ça en rigolant maintenant, mais sur le coup, j’ai pris une claque! Comment faire plein de choses différentes avec presque rien ? Je n’aurais jamais eu l’idée de faire moi-même mon lait de coco ou ma farine et pourtant, c’est vraiment pas compliqué !!

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Ils font ensuite un genre de caramel qu’ils rajoutent à la pâte pour donner un goût sucré et la couleur marron foncé à la mixture.

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Pour cuire le gâteau (sans four), on utilise le même feu que la veille. Ce dernier est alimenté d’écorces de fleurs de bananiers ! Rien ne se perd ! Il faut remuer le “gâteau” en permanence pendant tout le temps de la cuisson. Alors on se relaye tous les trois, (bon surtout eux deux, mais j’ai participé !!) la chaleur est intenable, je ne sais pas comment ils font ! Une fois la pâte cuite, elle est versée dans un grand plat et ils ajoutent des cacahouètes !

J’ai oublié de parler des cacahouètes, toujours pareil, ils font cuire les cacahouètes avec des graviers puis il faut les décortiquer à la main (ça c’était mon boulot et celui du grand père, ça nous a bien occupé aussi car c’était pas 3 cacahouètes mais des centaines !!). Après les avoir décortiquées, ils les font sécher au soleil.

Tradition : aller au marché

Le dernier jour de l’année, tout le monde se rend au marché, la coutume veut que chacun porte des habits nouveaux pour le jour de l’an. Bien sûr, les commerçants sont au courant et comme tous les magasins sont fermés le 1er, les prix le 31 explosent ! C’est comme partout !

On achète des fruits et des légumes pour le lendemain et Anthony et sa femme cherchent de nouveaux vêtements. Je suis une fois de plus la seule touriste dans le coin et tout le monde m’observe, Anthony est très gêné pour moi et s’excuse, mais il n’y a pas de soucis, ça me rappelle mes premiers jours aux villages des Sampaniers du Vietnam il y a 3 ans !

Après avoir fini les courses, on va dans un café pour boire un coup. On commande chacun une boisson et la vendeuse amène 12 samossas. 4 exemplaires de 3 samossas différents. On est 4, j’en déduis qu’on en aura trois chacun, ça tombe bien, j’ai un peu faim ! Et puis, j’adoooore les samossas ! J’en prends donc un au hasard quand on m’invite à me servir. Je le mange rapidement et bois lentement ma boisson puisque j’ai encore 2 beignets à manger. Personne ne se ressert alors j’attends patiemment pour avoir le deuxième. Je vois qu’ils ont fini leurs boissons mais je me dis qu’ils vont peut être en recommander. Le chauffeur de tuktuk qui nous a amené, le beau-frère d’Anthony, se lève, j’en déduis qu’il va recommander. Et je ne me presse toujours pas. J’attends de pouvoir me resservir en samossas !! Anthony me dit “il fait très chaud ici” en regardant dehors et c’est à ce moment là que je comprends que tout le monde m’attend !!!! Ils ne vont pas manger les autres samossas, ils ne vont pas recommander de boissons ! Je suis hyper gênée, je vide mon verre d’un trait et ils se lèvent soulagés … oups !!! Différence culturelle, on est en plein dedans !

Le retour en tuktuk avec un bidon de gaz, plein de sacs de courses et nous 3 à l’arrière est assez drôle ! Je ne sais même pas comment on passe tous. Le chemin est toujours aussi pourri et il y a bien 20 minutes de trajet, ça secoue ! On traverse des paysages superbes, il y a des paons au bord de la route, c’est la vraie nature sauvage !

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Oh j’ai oublié ! Les deux catégories de stands les plus populaires sur le marché sont …. roulement de tambour …. le bétel et les pétards !!! Alors je vous explique, depuis 2 semaines que je travaille à Dambulla, j’entends très régulièrement ce qui ressemble à des coups de feu, Anthony m’avait dit que c’était des pétards mais vraiment, on dirait des coups de feu, c’est assez flippant quand on n’a pas l’habitude ! Toute la journée, à n’importe quelle heure : boum, boum, boum ! Et ça se répond ! On se croirait dans un pays en guerre. En fait, ça fait parti de la tradition, à la base, c’est pour chasser les mauvais esprits, maintenant c’est plus un jeu pour les petits … et les grands ! Sur le marché, on peut trouver des dizaines de sortes de pétards différents ! Anthony en achète 2 gros sacs pour 10€ (c’est une somme énoooooorme pour le Sri Lanka, plus que tout ce qu’il avait dépensé en nourriture et vêtements dans la journée). Sa femme tire un peu la tête, c’est beaucoup trop ! Mais Anthony est comme un gamin, tout excité, il me dit qu’il ne devrait pas mais c’est pour faire plaisir aux enfants …

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Le bétel en revanche, quézaco ? C’est des feuilles vertes que les personnes âgées et les hommes mâchouillent à longueur de journée au Sri Lanka. Ils mastiquent cette plante avec une pâte grise et un genre de petite graine. L’ensemble fait cracher un liquide rouge qui ressemble à du sang ! Vous l’aurez peut être compris, c’est un excitant, plus fort que le café et c’est fortement addictif apparemment ! Ça tâche également les dents en rouge. La mère d’Anthony, qui paraît très âgée (a 42 ans, il est l’avant dernier de sa fratrie de 5 garçons) me propose d’essayer. De peur que ça me tâche les dents définitivement, je mastique avec mes dents du fond, ça les fait mourir de rire. Ma tête dégoûtée probablement aussi ! C’est vraiment pas bon ! Beurk ! La feuille ou la graine bizarre, je ne suis pas sûre, est très amère et la texture désagréable. Anthony rigole et me dit “c’est pas bon hein ?” Non……

Il en mange aussi mais seulement quand il est dans sa famille car à l’auberge avec les clients ce n’est pas possible. Il me dit que c’est très dur pour lui d’arrêter les premiers jours.

Ce fameux bétel, donc, est précieux à la période du nouvel an et tout le monde en achète sur le marché ! Il est coutume d’en offrir aux anciens. Les feuilles sont sacrées et elles auront un rôle important pour le rituel de bénédiction comme je vais le comprendre le lendemain, et vous dans le paragraphe suivant !

Réveillon du nouvel an

Les pétards ont retenti toute la journée, beaucoup plus que les jours d’avant, je sursaute toujours à chaque fois… ça les fait rire une fois de plus ! Vers 18h30 tout le monde s’affole, on est rentrés tard du marché et le repas n’est pas prêt, il faut absolument qu’on est terminé de manger à 19:40 pour entamer 12h de jeûne jusqu’au lendemain matin. J’aide en cuisine à couper les légumes, des crudités, Anthony veut que je refasse ma sauce secrète. Sa femme me regarde affolée quand je mélange un yaourt avec du citron, elle a l’air vraiment sceptique. 19:25 on pose tout sur la table, on a 15 minutes pour manger le riz, les crudités et du sambol (c’est trooooop bon! C’est les râpures de coco écrasées avec du piment et des oignons rouges : un délice !). On mange en regardant les célébrations à la télé, comme en France, l’heure est affichée en gros à l’écran. 19:39, vite vite, on avale les dernières bouchées et à 19:40 exactes les pétards retentissent comme jamais ! Anthony sort en courant pour vite faire exploser les siens ! Ça fait un bruit de fouuuuu ! C’est impressionnant, vraiment.

On se couche de bonne heure car le lendemain, à 6h il faut recommencer à cuisiner pour manger le “petit déjeuner” à 7:20 précises.

Nouvel an : le jour J

Je suis réveillée à 2:30 du matin par un concert de pétards (encore !). En fait, c’est l’heure exacte du changement de lune ! Car une fois de plus, cette fête est reliée aux astres.
A 6h d’autres pétards retentissent, c’est l’heure de se lever, et à 7:30 à nouveau pour annoncer l’heure de manger !
Bien sur, il y a d’autres pétards en permanence mais ça c’est les heures de concerts !!

A 9h, toute la famille débarque. Les frères, sœurs, avec leur conjoint(e)s, les parents, les neveux, les nièces… tout le monde est réuni dans le salon et on mange à nouveau un échantillonnage de tous les plats cuisinés durant ces derniers jours !

Tous m’accueillent avec une telle générosité, de la bienveillance et énormément de gentillesse. S’assurant que j’ai à manger, que je sois bien… mais sans pour autant “faire tout en fonction de moi”. C’est bête à dire, mais je suis là en spectatrice, et on s’assure que je sois bien. C’est très agréable et exactement comme je voulais vivre l’expérience. Mais si je compare, au Vietnam ou à l’Asie du Sud est en général, ici, au Sri Lanka, je ne suis pas considérée sur “un piédestal” et c’est horrible à dire mais c’est la sensation que j’avais dans les pays précédents. Ici, je suis égale, et honnêtement, c’est beaucoup mieux et moins embarrassant !!

Après une petite heure, chacun repart dans sa maison. Et avant que je n’aie eu le temps de dire ouf, Anthony m’annonce qu’on part visiter les amis, voisins et la famille (oui oui la même famille qui était là ce matin) et qu’on sera de retour en fin d’après midi ! Bien sûr, je suis ravie de vivre l’expérience du nouvel an mais je m’inquiète un peu dans le fond, on part pour une journée complète avec des personnes qui ne parlent pas un mot d’anglais, j’ai un peu peur de m’ennuyer mais ok, on y va !

On se rend dans une première maison, puis une deuxième maison,  une troisième maison … on s’arrête à chaque fois et c’est le même rituel : on est invités à boire et manger (globalement les mêmes gâteaux mais avec des petites variantes dans la recette, toujours une grosse préférence pour les kokis et le gâteau style pain d’épices …). On est invités à se resservir, donc par politesse je me ressers quand c’est le cas. A un moment donné Anthony me dit que je n’ai pas à manger autant car la journée va être longue, ha on va vraiment encore beaucoup changer de maison et manger à chaque fois ? Je me contente donc, ensuite, d’un seul gâteau par maison.

À chaque fois, les personnes les plus jeunes s’agenouillent devant les plus âgés après avoir donné des feuilles de bétel. Les personnes plus âgées caressent alors la tête ou la nuque en leur souhaitant une bonne année. Ce rituel de bénédiction est beau à voir et un peu déroutant aussi.


Les questions me concernant sont toujours les mêmes “elle voyage seule ? Au Sri Lanka ? Mais comment ? Et elle a le droit ? Et elle fait quoi comme métier ? Et elle a quelle âge ? Quoi seulement 20 ans ??” En fait, il faut savoir que les femmes Sri lankaises ne prennent pas le train seules car je cite “elles ne savent pas comment faire” (!!!) donc pour eux, je fais quelque chose d’impossible !
On me demande aussi souvent ce que je pense du Sri Lanka, et ma réponse est toujours la même, avec les yeux qui brillent je réponds “les gens sont adorables et parlent globalement très bien anglais, les paysages sont incroyables, la nourriture est délicieuse et les transports super développés ! J’ADORE !” Anthony servant d’interprète à chaque fois bien entendu.

On continue le tour des maisons, Anthony me raconte l’histoire de chaque famille et quels sont leur liens de parenté. J’apprends donc que la plupart des hommes sont militaires et de nombreuses femmes sont allées en moyen orient travailler. On fera une quinzaine de maisons dans la journée (j’ai arrêté de compter donc j’en ai peut être / probablement oublié …) mangeant, buvant à chaque fois. Dans une maison, il y a beaucoup de monde ! Toute la belle-famille d’Anthony, on mange, boit, joue au volley dans le jardin avec les femmes et les enfants pendant que les hommes sont rassemblés à l’entrée de la forêt pour boire en jouant de la musique, assez prêt pour qu’on les voie (ou qu’eux nous surveillent ?) mais trop loin pour permettre aux deux camps d’échanger. Les hommes peuvent venir nous voir mais pas l’inverse. Les femmes ne boivent pas d’alcool ! Et ne mangent pas le bétel avant d’être en âge d’être grand-mère !

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Je passe un excellent moment, je fais des tresses aux petites filles qui en échange dansent pour moi, je berce un bébé de 6 jours pendant une bonne vingtaine de minutes, on joue au ballon, on rigole, c’est GÉNIAL ! J’en ai les larmes aux yeux rien que d’y penser. Et de voir tout le monde si heureux, rire aux éclats, partager, vivre ensemble … Ça me fait aussi penser à ma famille qui me manque… Certaines familles/maisons (car je ne sais jamais chez qui je suis tellement il y a de monde à l’intérieur!) m’ont plus marquée que d’autres, mais ce que je retiens vraiment, c’est tous les sourires tellement sincères que j’ai reçu, les regards lourds de sens bien qu’on ne parle pas la même langue, les poignées de main qui s’éternisent et les énergies qui s’en dégagent… Et je lis comme de la reconnaissance dans leur visage d’être venue passer cette fête avec eux. J’espère qu’ils ont pu voir sur le mien, le bonheur que j’ai eu et l’infinie reconnaissance que j’aurai toujours pour ce partage unique, cette immersion dans leur intimité et leur mode de vie si différent de tout ce que je connais.

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La douche dans la rivière !

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Dans le jardin du père d’Anthony, il y a un très grand puits qu’ils ont construit en 1995 pour alimenter les maisons en eau. Il ne fait pas payer les personnes qui l’utilisent. Il n’a pas plu depuis 3 mois donc l’eau se fait rare, il reste peut être 1 mètre d’eau au fond au lieu de 10 mètres habituellement ! En plus de ce manque d’eau, les récoltes sont mauvaises, les plantes ont soif. C’est une mauvaise année.
Pas de pluie, pas beaucoup d’eau, il est donc normal pour eux de se doucher dans la rivière. En fait, les toilettes partagées dans le jardin sont accompagnées d’une douche sur le côté, à l’extérieur, sans cloison. Et le premier soir, Anthony m’a proposé de me doucher là. Il m’a donc donné un graaaaand paréo dans lequel m’enrouler et j’ai pu me doucher dans le jardin, à la vue de tous les voisins ! Car oui, la nuit, la seule lumière à l’extérieure de la maison c’est celle de la douche ! Une douche de lumière n’a jamais aussi bien porté son nom ! J’ai extrêmement peur que le paréo ne tombe mais heureusement : tout se passe bien !!! Pas très pratique pour se laver ni se sécher ceci-dit …

Le lendemain, direction la rivière. A 3 sur le scooter avec chacun notre petit sac avec nos affaires. En arrivant, il n’y a pas beaucoup de monde : ouf ! Il faut traverser la rivière en sautant de caillou en caillou, puis, se déshabiller + s’enrouler dans le paréo, pour enfin pouvoir faire trempette. La rivière n’est pas très profonde (saison sèche oblige) et je galère à mettre mes cheveux dans l’eau ! Que je vous explique, le paréo flotte, s’ouvre, donc je tente de m’asseoir dessus, sauf qu’avec le courant, dure de rester assise, et quand je me penche en arrière pour mettre la tête dans l’eau j’ai vite fait de me faire emporter : je ne suis pas douée! Je ne vous parle même pas des petits poissons qui me bouffent les peaux mortes sous les pieds … A peine lavée je sors de l’eau pour sécher sur un rocher. C’est marrant en vrai ! Mais je m’imagine mal me laver comme ça chaque jour !!!! Le vrai souci que je constate, c’est l’usage des savons et shampoing chimiques (les mêmes qu’à la maison : panthène, nivea,… les grosses marques sont bien implantées !!) qui sont déversés dans la rivière! Ainsi que toutes les lessives, ça ne doit pas être très bon pour la biodiversité de la rivière … de la même façon, le liquide vaisselle utilisé dans la maison part directement dans le jardin. Mais tout ça, c’est juste mon regard d’occidentale sur un univers qui n’est pas au même stade de développement que ce que j’ai connu toute ma vie… tout simplement.

La puissance des éléments !

J’en avais déjà parlé lors de mon nouvel an lunaire au Vietnam, comment après une semaine de grosse pluie on avait eu un temps magnifique pour le Tet et comment le changement de lune avait amené le soleil et chassé la pluie. Et bien cette fois, c’est l’inverse ! Après 3 mois de sécheresse, il a plu le soir du réveillon ! Changement de lune, changement de saison/année : changement de météo ! Je trouve ça dingue !

Soirée festive !

Cette petite pluie (qui a pris de l’ampleur les jours suivants!) n’a pas empêché de célébrer le nouvel an comme il se doit ! À la nuit tombée, tout le monde s’est réunit chez Anthony. Je n’ai pas pu échanger avec les autres personnes à cause de la barrière de la langue mais leur attitude vis à vis d’Anthony m’a montrée qu’il était très aimé et respecté par sa famille et ses amis. Le fait que tout le monde se soit réuni chez lui en premier le matin et que la soirée ait lieu ici me font penser qu’il a peut être une “place” particulière que je n’ai pas saisie … j’imagine que c’est probablement lié à son mode de vie (hors du village avec des touristes et il gagne sans doute mieux sa vie !).

Les hommes venus fêter ce changement d’année s’assoient dehors en cercle avec une bouteille d’Arak! De l’alcool de noix de coco qui ressemble à du rhum. Je suis la seule femme invitée à me joindre à eux, un peu gênant mais j’accepte quelques verres. Quand ils commencent à jouer de la musique, les femmes sont alors invitées à se joindre à eux, ainsi que les enfants. Alors que nous, on picore des chips, eux mangent du poisson en sauce, avec les doigts, entre deux verres, bizarre… Tout le monde chante, frappe dans ses mains, danse, c’est incroyable ! La journée a été longue je tombe un peu de fatigue mais j’ai peur que mon départ ne soit mal vu alors je m’accroche ! L’un des beaux frères a un peu abusé de l’alcool et commence à parler anglais ! Anthony est mort de rire et me dit qu’à la fin de la nuit, ils seront tous capables de communiquer avec moi, je n’aurai malheureusement pas l’occasion de voir ça car tout le monde part se coucher et moi la première peu de temps après !

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Le lendemain, c’est le départ. J’ai les larmes aux yeux, je ne sais pas comment les remercier. Ils m’ont tout donné pendant 3 jours, m’ont permis de vivre cette expérience juste unique et incroyable. J’ai appris énormément, découvert leur mode de vie, leur bonheur, rencontré tout le monde, été accueillie avec une fois de plus tellement de bienveillance.

J’espère que j’aurai réussi à vous faire partager ce que j’ai pu ressentir car je pense pouvoir dire que c’était une des plus belles expériences que j’ai vécue jusqu’à présent.

 

 

Ce que j’en retiendrai : Il en faut peu pour être heureux, il faut savoir apprécier les choses simples, prendre du recul sur sa vie, ses problèmes et surtout, l’importance de la famille et de l’entourage. Ils étaient tous tellement beaux, heureux et ils partagent tellement de choses ensemble. C’était 3 jours fantastiques, irréels et je me sens extrêmement chanceuse d’avoir vécu cette expérience avec eux…