Varanasi, au coeur de la spiritualité hindou

Après l’étape à Khajuraho et la longue nuit dans le train, nous arrivons à Varanasi. Dernière étape de notre périple, il s’agit d’un haut lieu de pèlerinage hindou. La découverte des rites funéraires, la spiritualité et l’ambiance de cette ville si spéciale au bord du Gange nous ont profondément marquées. Nous espérons vous faire ressentir cette atmosphère à travers ce récit.

Lundi 3 Février 

Léna : Après 14 heures de train, nous voici arrivées à la gare. A peine descendues, tous les chauffeurs de tuktuk nous tombent dessus ! Je devrais avoir l’habitude, mais ça m’agace toujours autant ! Après une longue négociation sans le sourire on en trouve un. La circulation est intense, nous mettons longtemps à arriver, coincées dans les embouteillages. L’auberge que j’ai choisie après une  trèèèès longue hésitation (trop de choix dans cette ville!) est la Vaca India. Et je ne regrette pas, c’est super sympa, bien décoré, propre…  

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Décoration à l’auberge

Directement après avoir déposé nos sacs à la réception, nous cherchons où manger. Je demande à TripAdvisor les recommandations du coin, et quand je vois les photos du super thali d’Ashish Café, je n’ai aucune hésitation : c’est là qu’on va ! Un immense plateau avec une ribambelle de plats : probablement le meilleur dal que j’ai mangé ! Il y a aussi des légumes en currys, un pain vert, du pudding au riz, … Et une boule de chocolat ! Un régal ! Miam miam, je veux ça tous les jours.   

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1ère approche de Varanasi : le Gange

Maman : Nous descendons sur les quais du Gange, un peu inquiètes de ce que nous allons voir. Si nous terminons notre voyage dans cette ville, c’est que nous avions une certaine appréhension. En effet, la ville de Varanasi est célèbre pour ses bûchers funéraires. C’est un lieu de pèlerinage pour les hindous qui espèrent mourir ici dans l’espoir de faire cesser le cycle des réincarnations.

Il y a en moyenne 60 000 personnes chaque jour qui viennent faire leurs ablutions dans l’eau du fleuve. Le but est de nettoyer son âme de toutes les fautes commises durant les vies passées en nettoyant son corps, récurant serait plus adapté ! La rencontre entre les réalités d’ici et l’Au-delà, monde physique et spiritualité

C’est un lieu hautement symbolique tels la Mecque ou le Vatican. Varanasi représente l’incontournable lieu sacré pour 900 millions d’hindous dans ce pays. Par conséquent, nous nous attendons à voir beaucoup de misères, de mendiants, côtoyer la mort, la pauvreté et la saleté en direct. Depuis notre arrivée en Inde, nous avons été épargnées et avons trouvé notre voyage beaucoup plus « simple » que ce à quoi nous nous attendions d’un point de vue émotionnel. Mais cette dernière étape s’annonce plus compliquée à vivre.   

Léna : Nous n’avons que quelques mètres à parcourir pour arriver au bord de l’eau et là, nous ne comprenons pas. Tous les bords du Gange sont aménagés, propres (très propres !), des vendeurs proposent des ballons de toutes les couleurs, des gens se baignent, des petits bateaux colorés sont amarrés, les maisons sont luxueuses, … Bref, un bord de fleuve normal en somme. Maman me demande même si je suis sûre qu’il s’agit bien du Gange et que nous sommes au bon endroit. Je vérifie Maps.me et … oui !  

Burning Ghats : les bûchers funéraires de Varanasi

Léna :  Nous avons vu à l’auberge qu’un free tour est organisé ce soir pour découvrir les fameux « Burning Ghats ». Nous rentrons donc pour nous joindre au tour. Notre guide est un monsieur âgé à qui il manque beaucoup de dents ! Pas simple à comprendre… Il n’explique pas grand-chose et veut surtout nous emmener dans une boutique de soie. Il doit probablement toucher une commission sur les ventes et les prix sont généralement plus élevés. L’ensemble du groupe fait demi-tour devant la boutique, nous n’étions pas venus faire du shopping ! 

Maman : Nous passons pour la première fois à côté des burning ghats. Fascinées par ses bûchers qui représentent tellement pour eux nous essayons d’observer discrètement pour comprendre les rituels. Tout cela est si éloigné de notre façon de traiter la mort.

Un corps a été trempé dans le Gange. Selon la tradition, le décès remonte à moins de deux heures. Il s’agit d’un vieillard car il est enroulé dans un sari jaune. La silhouette est enduite d’épices, de beurre.  La famille lui fait boire de l’eau puis vient le déposer sur un brancard en bambou installé sur le bûcher encore éteint. Ils le recouvrent avec des bûches de bois. Un enfant pleure sans bruit à côté. Puis un homme habillé de blanc, crâne rasé, fait 5 fois le tour du brasier et allume le feu. Traditionnellement ce geste est fait par le fils aîné ou un proche du défunt. La fumée monte vers le ciel et une odeur de bois mêlée à des senteurs épicées se dégagent.

Quelques hommes s’assoient près de là avec l’enfant. Aucune femme n’assiste à la cérémonie.  A part l’enfant, les autres ne montrent aucune émotion. Leur éducation leur a appris à relativiser la mort, à vivre avec. Nous observons la scène, silencieuses, respectueuses et notre cerveau est en ébullition d’incompréhension, si peu habitué à cette approche de la mort. Il est précisé un peu partout qu’il est interdit de prendre des photos. Cela parait tellement évident ! Ces gens sont dans leur vie réelle et non à un spectacle. Pourtant il leur est apparu à un moment donné nécessaire de le préciser aux touristes (certains, peu scrupuleux le font quand même…!).

Cérémonie du Puja

Léna : Puis, c’est l’heure de la cérémonie du Puja sur les quais du Gange. Nous sommes assises sur les marches, au milieu des fidèles, le son est extrêmement fort, c’est une très belle cérémonie, nous sentons la ferveur des personnes qui nous entourent. 5 hommes font une chorégraphie très synchronisée ou chaque geste est millimétré. Des centaines de personnes assistent depuis les bateaux. Il y a énormément de monde partout. Avec les couleurs des saris c’est beau. A la fin du “spectacle”, les hindous vont déposer des offrandes sur le Gange. Des centaines de bougeoirs et pétales de fleurs flottent sur l’eau.

Des mendiants sont assis et tendent la main mais ils ne sont pas insistants. Nous observons aussi les sadhus, ces hommes à moitié nus, couverts de cendres aux cheveux et barbes longues. Toute cette mise en scène est très belle visuellement, fascinante de précision mais les rites et gestuels issus de traditions millénaires subjuguent les fervents mais restent incompréhensibles pour nous. Nous regrettons de ne pas comprendre tout ce qui se déroule sous nos yeux.

Marché du Chowk et Blue Lassi shop

Léna : Nous sommes avec Victoria, notre coloc’ de chambre. Nous traversons le marché du chowk, bruyant, coloré et très agité ! Les commerçants ont des shops minuscules et vendent tout et n’importe quoi. Il y a des quartiers où tout le monde vend la même chose. Il y a en plus les vendeurs de rue. Beaucoup d’agitation et d’animation.   

J’avais noté une adresse incontournable de Varanasi : le Blue Lassi Shop. Nous partons à sa recherche, seulement, dans les méandres des petites rues piétonnes, mon GPS nous perd. Nous tournons littéralement en carré. A plusieurs reprises, des vendeurs, probablement habitués à cette situation nous demandent « vous cherchez le Blue Lassi Shop ? » et nous montrent la direction à suivre. Malgré cela, nous nous perdons encore plusieurs fois ! Nous n’avions pas dîné, mais heureusement car il y a autant à boire qu’à manger dans les lassis. Des photos d’identité laissées par les clients décorent les murs de ce café. Maman en a une et colle donc la sienne sur le mur. Le hasard fait plutôt bien les choses, une fan de yaourt dans un restaurant de yaourt, ça vous surprend ?  

Pendant que nous dégustons notre boisson lactée, nous sommes plusieurs fois interpellées par des bruits de cloche venant de la rue, accompagnés de chants/prières d’hommes. En effet, des cadavres sont transportés dans la rue sur un brancard en bambou, direction les bûchers au bord de l’eau. Les porteurs sont suivis de la famille qui marche d’un pas très rapide en chantant. Surprenant !  

Maman : En ressortant, nous nous dirigeons vers l’eau pour observer les bûchers de nuit. L’activité se poursuit 24h/24. Nous arrivons ainsi au second lieu de crémation, il fait très sombre, nous marchons au milieu de tas de bois. Il y a une balance qui permet de peser le bois (il en faut 350 kg pour une bonne incinération) puis les rondins de bois (de la taille d’un arbre) sont chargés à dos d’homme jusqu’au bûcher. Ça semble peser des tonnes. Quand nous arrivons au bord de l’eau, nous voyons au moins 10 bûchers en activité. Les plus près du Gange sont les personnes de castes inférieures tandis que les Brahman sont sur une estrade en hauteur.

Les parties du corps qui n’ont pas brulées sont rendues au Gange avec les cendres. Les familles n’ont pas toujours les moyens de payer suffisamment de bois pour assurer la combustion complète du corps…  Quand le feu s’éteint après 3 heures, les orpailleurs viennent fouiller les cendres à la recherche de bijoux ou de dents en or. Nous repartons direction notre hôtel mais nous perdons dans le dédale des ruelles et nous passons non pas une fois, ni deux mais au moins 3 fois au même endroit ! Jusqu’à ce qu’un gentil monsieur qui nous a vu passer à plusieurs reprises nous donne le secret du chowk : le sol pavé est le seul qui conduise à la route. Nous repartons donc en regardant nos pieds…   

Léna : Ce secret nous est bien utile ! Nous rejoignons finalement la route principale et il nous reste 3 km jusqu’à l’hôtel, de nuit, au milieu du monde et de la circulation. Nous voyons un char qui roule en faisant de la musique et des hommes qui dansent au milieu du trafic. Puis ce sont des sortes de chandeliers lumineux poussés par des hommes, toujours au milieu de la route. Enfin vers notre hôtel, des feux d’artifice sont tirés, doit-on vraiment le préciser, depuis le milieu de la route, au-dessus de la rue, au milieu des passants qui observent la scène. Les véhicules sont bloqués, mais personne ne fait la circulation ni ne s’agace, c’est normal, ce sont des mariages !   

Les policiers arrivent mais tout semble normal pour eux. La foule s’est amassée pour voir le feu, les voitures sont à l’arrêt, la circulation est totalement bloquée. Nous recevons des morceaux de pétards sur les pieds. La voiture des mariés est blanche et couverte de chaînes en perles et de fleurs. Les hommes ont un chapeau turban rose et les femmes des saris magnifiques qui brillent de mille feux. Il s’agit d’un mariage musulman.   

Mardi 4 Février   

Cours de Yoga Nidra  

Léna : Ce matin, Maman souligne que nous n’avons pas fait de yoga pendant notre séjour en Inde. Nous nous rendons donc chez yoga Nidhi (au-dessus du Ashish café) pour le cours de 10h avec Victoria, notre prof est un yogi au ventre rond et cheveux longs. Il n’a pas le profil que l’on imagine en Europe ! Nous ne sommes que toutes les 3 aujourd’hui et profiterons donc d’un cours personnalisé.  

Maman : Après l’échauffement, nous attaquons la première posture, l’arbre où il faut tenir sur un pied et déjà, je suis en difficulté ! Le prof vient m’aider à me stabiliser et au fur et à mesure du cours, moyennant une petite aide de sa part, je finis par réussir tous les asanas (les positions), même les plus improbables ! La danse de Shiva avec les orteils coincés dans le coude au-dessus de la tête !!! Aucune photo ne peut en témoigner mais Léna m’a vue ! Il vient vers moi pour me faire faire le pont et de ses 3 élèves, je suis la seule à y arriver. Bravo moi ! J’ai beaucoup aimé ce cours d’une heure et demie, avec vue sur le Gange (et une femme indienne qui finit sa nuit allongée à même le sol et ronfle en plein soleil à côté de nous).   

Léna : Comme tout effort mérite réconfort, direction le café Ashish du rez de chaussée pour une autre boule au chocolat trop bonne, comme hier, avec un excellent lassi ! Miaaaam.

Nous passons ensuite un long moment assises sur les ghats à observer les scènes de vie qui s’y déroulent. C’est l’heure de la douche, les hommes se savonnent sur le quai (beaucoup beaucoup de mousse sur la tête et le visage) puis ils s’immergent dans les eaux du Gange, entre les bateaux, vêtus uniquement d’un slip et ils plongent 3 fois la tête sous l’eau en faisant de grands gestes. Les femmes en revanche n’utilisent pas de savon et galèrent vraiment avec leurs saris pour rester à l’abri des regards malgré le tissu qui leur colle au corps et qui doit être très lourd et froid une fois mouillé. Elles tentent ensuite de se rhabiller sans se sécher toujours avec ses mètres de tissus autour d’elles. Vient ensuite l’heure de la lessive, chacun lave ses vêtements sales, hommes comme femmes.

Les vaches, singes, chiens et énormément de chiots, chèvres, canards, pigeons, mouettes assistent à ses scènes et se partagent l’espace entre les vêtements qui sèchent au soleil, à même le sol.   

Puja à Varanasi (2)

Maman : À la tombée de la nuit, nous repartons une nouvelle fois sur les ghats sans nous lasser de l’atmosphère de ce fleuve. L’agitation y est tranquille et sereine, loin des klaxons de la rue, ici le temps semble s’arrêter et pourtant beaucoup de gens se baladent aussi sur cette rive. Arrivées à la Ghat principale où se tient la grosse cérémonie de puja, il y a énoooormement de monde, principalement des pèlerins. Un monsieur nous propose de monter sur un rooftop en échange d’une donation pour le temple et ainsi nous permettre de contempler le spectacle d’en haut. La vue est impressionnante de là, tous ces gens qui écoutent et participent à la cérémonie sur terre comme sur l’eau. Tant de ferveur se dégage de cette foule immense !  

Léna : Pour le retour, nous choisissons de longer le fleuve. Nous admirons les beaux bâtiments qui surplombent le Gange. Tels des remparts, châteaux ou autres monuments imposants, ils semblent tirés d’un décor qui s’étirent sur des kilomètres de longs. C’est vraiment impressionnant ! Ils ont été construits et habités par des maharajas désireux de vivre et surtout mourir ici. 

Mercredi 5 février   

Tour en barque sur le Gange

Léna : A 5h30, le réveil sonne. C’est notre dernier jour ici et nous partons faire un tour en barque sur le Gange au lever du soleil. Il fait frisquet à cette heure matinale, le rameur doit se réchauffer, il pagaie à contrecourant pendant de longues minutes ! Nous naviguons de Assi Ghat, escaliers les plus au sud jusqu’au nord, nous passons devant 84 escaliers ! Le fleuve est bordé par ces escaliers sur plusieurs kilomètres.  

Le soleil finit par percer et un rond rouge apparaît dans le ciel. Des mouettes volent au-dessus de l’eau, les pêcheurs remontent leurs filets, hommes et femmes se lavent sur les quais du Gange, des sadhus méditent au bord de l’eau, des hommes déchargent le bois qui arrive sur des barques près des bûchers, étrangement peu actifs ce matin. La vie suit son cours, toujours dans cette agitation sereine si caractéristique de Varanasi.  

Nous rentrons à l’auberge pour le petit déjeuner. Victoria me propose de me faire un cours de yoga, elle vient tout juste d’être diplômée et il s’agirait de son premier cours ! J’accepte immédiatement, trop bien !   

Ouf, on a eu chaud !

Maman : Derniers instants à Varanasi : boisson à Green avec vue sur le Gange. Toujours les mêmes scènes de vie que l’on observe. Nous en profitons pour débriefer de nos impressions sur cette ville si atypique. Varanasi est un endroit très paradoxal la vie et la mort se côtoient sur les bords du Gange, le business autour de la mort, la vie, la survie, la religion, mais aussi le jeu des enfants, le criquet, le quotidien des hommes et femmes qui se baignent ici, font leur linge, mangent, méditent, papotent, se promènent, les touristes qui survolent cela comme au zoo, les animaux, les pêcheurs, les bateaux, le bois, les bûchers, la fumée, les saris colorés, les habits blancs du deuil, les hommes en caleçon, les enfants pieds nus et tellement de moments magiques, la plénitude de la mère Gange, la sérénité, l’imprégnation du lieu.  Voilà je vous décris ce que j’ai eu du mal à photographier car je ne me suis pas senti le droit de voler leur intimité.  

Léna : Pas de temps à perdre, nous rentrons à l’auberge car j’ai commandé un Uber pour nous rendre à l’aéroport. Il est 13h15 et nous avons 27 km à parcourir. Nous devons être là-bas avant 15h, j’ai prévu large !

45 minutes plus tard, il reste toujours 24 km jusqu’à l’aéroport.

1h15 plus tard, toujours 20km restants…

Je commence à paniquer un peu. Nous sommes coincées dans des embouteillages de fou, ça n’avance pas ! Nous passons énormément de temps à l’arrêt et nous avançons mètre par mètre dans cette circulation. Toutes les voitures ont les rétros extérieurs repliés car les véhicules sont côte à côte, seulement espacés de quelques centimètres les uns des autres et occupent toute la largeur de la route, pas un espace n’est laissé libre ! Les minutes s’écoulent et nous pensons avoir raté notre avion. Finalement, à 14h57 nous descendons du taxi et à 14h59 nous pénétrons dans l’aéroport ! Heureusement, il y a d’autres retardataires et l’enregistrement se déroule sans encombre. Sauvées ! Ouf !!!  

Nous nous envolons direction Mumbaï pour notre dernière nuit. Ensuite, Maman prendra un avion pour la France et une nouvelle aventure s’ouvrira à moi…  

Varanasi s’avère être une ville perturbante, mais pas dans le sens que nous avions imaginé. La sagesse des hindous face à la mort rend ce lieu unique. L’atmosphère est pesante pour des occidentales comme nous qui avons une certaine vision de la mort dans notre culture et l’approche des indiens, si différente dans ce passage vers l’au-delà. Cette dernière étape est symbolique et achève notre voyage au cœur de l’Inde. Nous partons pour Mumbai et un monde plus proche du notre.

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